Artiste
jusqu’au bout
Et maintenant ? Ce ne sont plus les promeneurs
qui se disent bonjour, mais les engins qui creusent, arrachent, amputent la
ville d’une partie de ses souvenirs. Oh mais bien sûr, c’était nécessaire. Le
progrès, l’avenir. Des mots au final, tout à fait banal qui permettent de
justifier, de nos jours, beaucoup de choses. Alors, envolées les rencontres,
les mots sympathiques échangés au coin des fleurs des champs ? Ne reste
là, sous mes yeux, qu’une immense cicatrice qui me fait mal. Alors je dessine.
Je ne peux m’opposer, mais je peux m’indigner. Je dessine, chaque jour,
inlassablement. Sous mes doigts les camions se transforment en arbres, les
pelleteuses en prairies, les rouleaux en troupeaux. Je dessine pour me
souvenir, pour expliquer qu’ici, avant, vivait Péchaud.
D’après « Artiste jusqu’au bout » 2015
par Robert Ibanez, réécrit par Amandine Didier